Pour les vaches laitières, une nutrition de qualité passe par la valorisation maximale des fourrages de l’exploitation pour une transformation optimale en production laitière. Pour cela, il faut des fourrages récoltés au meilleur stade pour être les plus riches et digestibles possibles, appétents et bien conservés.
Malheureusement, la météo vient parfois contrarier votre planning optimum de récolte. Quelles sont alors les pistes possibles pour ne pas pénaliser la production laitière ?
Lorsque le stade avance, le fourrage perd de sa valeur et retarde d’autant la mise en place du cycle suivant. Pour limiter les dégâts, voici quelques points qui peuvent être mis en œuvre :
N°1 : Faucher rapidement dès le retour à une météo plus clémente pour lancer le cycle suivant :
Une accalmie météo s’annonce pour les jours à venir et on se dit parfois, qu’on n’est plus à quelques jours près pour récolter. Pourtant, chaque jour supplémentaire sans récolte entraine une baisse de valeur alimentaire et surtout retarde la pousse du cycle suivant notamment lorsque les réserves en eau sont là avec une période de forte pluie qui vient de se passer. Sans prendre de risques exagérés avec la météo et la portance des sols, soyez plutôt réactifs pour récolter sans attendre. Et surtout, si l’herbe est versée, cela pénalise fortement le cycle suivant. De plus, les jours sont plus longs, la rosée plus rare en cette période. Aérer en fanant juste après la fauche pour gagner du temps de séchage. Avec des températures journalières supérieures à 20°C, un enrubannage est possible après 2 à 2,5 jours.
Pourquoi ne pas envisager un ensilage ou un enrubannage plutôt qu’un foin pour gagner en valeur nutritives et surtout entre 1 à 4 jours de repousse du cycle suivant ?
N°2 : Prévoyer de récolter plus précocement le prochain cycle :
Ne pas faucher trop bas (10 cm du sol ou la hauteur d’un stylo) permettra de favoriser la repousse suivante. Selon le profil variétal de la parcelle, un apport fractionné limité en azote peut s’envisager. Pour compenser la baisse de valeurs de la récolte actuelle et comme le volume récolté est plutôt important, avancer la fauche du prochain cycle au stade feuillu (4 à 6 semaines maxi) et pré-faner à au moins 35% pour favoriser l’ingestion et la conservation. Vous récolterez un fourrage de haute valeur nutritive qui complémentera votre fourrage plus pauvre.
N°3 : Pour le pâturage :
Pareillement, l’objectif est de repartir sur le cycle suivant rapidement et de manière homogène. Faucher sans attendre les parcelles non totalement consommées à cause des conditions météo et parfois abimées par le piétinement sur un sol moins portant. Grâce aux bonnes conditions de repousse, ces parcelles pourront être exploitées très rapidement dans 2 semaines en les introduisant dans la rotation des paddocks pour un apport de haute valeur nutritive. C’est le moment de profiter, pour quelques temps encore, de la capacité maximale de repousse.
N°4 : Récolter en coupant les fibres pour maximiser l’ingestion :
Un fourrage avancé en stade est plus fibreux et contient moins de sucre garant d’une bonne conservation. Lors de la future distribution de ce fourrage dans la ration des vaches laitières, les conséquences peuvent être : une augmentation des refus, des dé-mélanges de la ration, une baisse d’ingestion et une digestion plus lente par les microbes du rumen avec une baisse de production laitière. Une première solution : hachez ! En ensilage, avec l’ensileuse ou à l’auto-chargeuse, pas de soucis. Enenrubannage et en foin, privilégiez l’utilisation d’une presse avec Rotocut et des couteaux rapprochés (7 cm de coupe maxi), fonctionnels et affutés toute la journée. Laissez tourner la mélangeuse dont les seront vérifiés plus longtemps avec ce fourrage que vous incorporerez au début de la préparation du mélange.
N°5 : Utiliser un conservateur pour la valeur alimentaire :
Avec moins de sucre, parfois un fourrage versé est plus difficile à récolter et à sécher, l’utilisation d’un conservateur peut se révéler utile. Vous gagnez un temps précieux de séchage et vous limitez les pertes entre la fauche et la récolte. C’est l’acide propionique (Vitasil Pro) qui est le plus efficace pour le foin : prévoir 4 à 6 litres / to de vert. Pour l’ensilage et l’enrubannage, les conservateurs biologiques à base de bactéries lactiques s’utilisent de préférence. Chaque produit contient des souches de bactéries qui doivent être les plus adaptées aux espèces fourragères et au taux de Matière Sèche du fourrage récolté (). Appétence assurée !
N°6 : Comment utilisez ce fourrage dans votre ration ?
Si vous êtes utilisateurs de paille dans votre ration, remplacer avantageusement par ce fourrage à condition qu’il soit bien haché car la valeur alimentaire et l’appétence seront supérieures. Ici, une analyse des valeurs alimentaires est intéressante à réaliser. Pour préciser la complémentation et les quantités maximales à utiliser sans déconcentrer la ration (UFL, MAT, UEL, NDF, dNDF, ADL).
- En foin , on limitera l’utilisation à 2 kg brut par jour et on diminuera, voir arrêtera, la distribution de paille : 1 kg remplacera 500 g de paille.
- Pour l’enrubannage , vous l’incorporez à 4 kg brut maximum dans la ration sans prendre trop de risque de déconcentrer.
- pour les rations qui contiendront une part importante de ces ensilages, enrubannages ou foins (> à 40% de la ration), il faudra compenser par des apports en énergie : céréales et en azote soluble , comme l’urée et ajouter du sel pour inciter les animaux à consommer, voire de la mélasse sur des fourrages trop avancés. Vous compenserez l’emploi de ces fourrages par la distribution en même temps d’un ensilage d’herbe très précoce , à condition que l’ensemble soit bien mélangé pour une bonne répartition dans la ration totale. Un apport ponctuel de dextrose (150 à 200g/jour/vache) pendant 10 à 20 jours au moment de l’incorporation de ces fourrages permettra d’activer positivement les fermentations et booster la digestion . Sur les rations les plus performantes, l’emploi de ferments tels que Rumina Ferm est envisageable sur toute la période pour accélérer la digestion et favoriser la production laitière.
Astuce : dès la récolte, vous pouvez identifier les bottes d’enrubannage ou de foin et les regrouper au même endroit . Ainsi, vous pourrez bien gérer leur incorporation comme compléments des fourrages de grande qualité et vous éviterez de faire des « à-coups » de distribution entre différentes qualités de fourrage. De plus, vous gagnez du temps à ne pas changer trop souvent la complémentation de la ration.
n°7 : le fourrage idéal pour les génisses et à nuancer pour les vaches taries :
Une autre valorisation de la ration est possible voire recommandée si les valeurs alimentaires sont faibles. L’incorporation complète ou partielle dans les rations des génisses laitières cet hiver ou en « ration sèche » jusque 8 mois en complément d’un aliment ( Vita JB).Pour les vaches taries en préparation vêlage , attention à la valeur en potassium de ces fourrages . Ce n’est pas recommandé de dépasser la distribution de 2 kg brut de ces fourrages. En effet, le risque d’un apport excessif en potassium est d’induire une mauvaise absorption du magnésium, important pour un vêlage tonique et de faire monter la valeur de la BACA (Balance Anion Cation) limitant ainsi la mobilisation du calcium et donc augmentant le risque de fièvre de lait. L’appoint de 40 à 50 g de chlorure de magnésium peut alors s’avérer nécessaire.
Comparaison entre les recommandations nutritionnelles des vaches et les apports d'un foin de RGH. *
Commentaires : la fauche tardive de foin est à réserver aux génisses inéminées et pour les vaches taries durant le 1er mois.
En complétant en énergie et protéine pour ajuster aux besoins.
Le foin récolté précocement en première et 2nde coupe, sera à réserver aux vaches en lactation, éventuellement pour les vaches taries en préparation vêlage.
Attention, pour les vaches taries, la concentration en Potassium est ici, trop élevée.
Il est donc nécessaire d'apporter en complément : du magnésium pour renforcer l'absorption et du chlorure (ex. chloure de magnésium) pour abaisser la BACA.
* analyses réalisées par le Laboratoire LANO.
En bref : valoriser un fourrage avancé car récolté tardivement, est possible. L’objectif est d’abord, dès que la fenêtre météo se présente, de relancer le plus vite possible le cycle suivant en visant une récolte très précoce avec des valeurs alimentaires très hautes pour compenser. Une attention particulière sera à porter sur la conservation et au hachage de ces fibres trop longues et trop dures, pénalisant l’ingestion. Pour l’ incorporation dans la ration , une analyse s’impose et des bottes identifiées et isolées permettront une gestion précise et régulière des apports et de caler une complémentation de manière durable.
(*1) La valeur des fourrages pour les ruminants : comment synthétiser et diffuser les nouvelles connaissances, comment répondre aux nouvelles questions ? R. BAUMONT, J.P. DULPHY, M. DOREAU, J.L. PEYRAUD, M.O. NOZIERES, D. ANDUEZA, F. MESCHY, 3 R, 2005.
Philippe ADAMResponsable Technique Marché Ruminant